L’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie (APES) célèbre en 2018 ses 25 ans d’existence. Dans la série des textes signés par les écrivains de l’Association qui racontent un fragment de son histoire, voici, en ce 25 mai 2018, celui de Dany Tremblay. Chaque fois, on en apprend un peu plus. Bonne lecture!
Les écrivains en croisière
Au début des années 2000, j’enseignais la littérature au Cégep de Chicoutimi. André Girard était mon voisin de bureau et Carol Lebel enseignait en philo. Nous allions prendre un verre ensemble le vendredi après le travail. Allen Côté se joignait à nous. Nous étions tous quatre membres de l’APES.
C’est aussi l’époque où je participais aux Donneurs de Joliette, activité d’écriture publique qui conviait la population à utiliser les services d’un écrivain pour la rédaction d’une lettre de remerciement ou d’amour, pour aider à la rédaction d’un poème, à la limite, pour aider à remplir un bail. L’activité se tenait au Centre-ville de Joliette. Les écrivains occupaient par groupe de deux les lieux publics. Cela se passait à l’automne, le samedi. Martial m’y accompagnait, me répétait chaque fois qu’il faudrait reproduire un événement du genre chez nous et m’alimentait d’idées de toutes sortes.
J’en parlai à mes compagnons de verre du vendredi. Il n’en fallut pas plus. Le collectif Les mots qui voguent fut fondé afin de créer en région notre activité d’écriture publique. Inspirée de celle de Joliette, elle mettrait en valeur les écrivains de l’APES, ceux d’autres régions du Québec et des écrivains autochtones. Nous souhaitions permettre à la littérature de sortir des habituels lieux où on la trouve, permettre aux auteurs d’approcher et de toucher un public qui autrement n’aurait jamais pu se trouver en contact avec la littérature et ceux qui la font. Je me suis affairée à rédiger des demandes de bourse au CAC et au CALQ. À l’hiver, nous avons reçu des réponses favorables et mis en branle le projet.
Évidemment, notre activité devait avoir sa personnalité. Plutôt que de faire descendre les écrivains dans la rue et leur faire investir une ville comme à Joliette, nous allions leur offrir une croisière sur le bateau La Marjolaine qui effectue des va-et-vient entre Sainte-Rose-du-Nord et Cap Trinité. Qui plus est, elle conjuguerait lectures et écriture publique, serait multidisciplinaire. Le groupe Namaenai (des djembéistes, tam-tam africain et multiethnique) accompagnerait les écrivains durant les lectures. La pancarte de l’événement serait le résultat d’un concours offert aux étudiants en arts plastiques du Cégep de Chicoutimi. Les gagnants ainsi que trois tagueurs venus spécialement d’Angoulême se départageraient deux murs sur la rue du Havre afin d’y peindre des murales. Alain Dumas, photographe, se chargerait de prendre tout ce beau monde en photos.
Pour sa première édition, en 2005, Voie d’échanges allait se tenir sur deux fins de semaine, un total de quatre croisières. Vingt-quatre écrivains y participeraient. L’inauguration de l’événement s’est déroulée le samedi 25 juin. Pour l’occasion, 114 personnes sont montées à bord de La Marjolaine en compagnie d’une première cuvée d’écrivains composée de France Mongeau, Jean Pierre Girard, Stanley Péan, Danielle Dubé, Jacinthe Connoly et Bruno Roy. Parmi les passagers, le maire de Joliette et son épouse, des représentants de Ville Saguenay et de Promotion Saguenay, la directrice générale du Cégep de Chicoutimi.
Dans cette galère, treize écrivains de l’APES seraient de l’aventure : Stanley Péan, président de l’UNEQ, Danielle Dubé, Carol Lebel, Allen Côté, Michel Dufour, Jean Désy, Danielle Simard, Reine-Aimée Côté, Élisabeth Vonarburg, Marjolaine Bouchard, André Girard et Robert Dôle. Jean-Alain Tremblay alors président de l’APES devait aussi en être. Décédé subitement trois semaines avant le lancement de l’événement, il a été décidé de ne pas le remplacer, mais de lui rendre hommage en lisant l’un de ses textes, ce dont je me suis chargée. Sept autres écrivains d’ailleurs au Québec et quatre écrivains des premières nations ont été de la fête : France Mongeau, Jean Pierre Girard, Bruno Roy, François Charron, Nadine Walsh, Sylvie Nicolas, Jean Potvin, Sylvie-Anne Siouï Trudel, Jean Siouï, Jacinthe Connoly, Geneviève Mackenzie accompagnée du flûtiste Victor Falardeau.
Voie d’échanges 2005 a favorisé des relations multiples allant bien au-delà de nos espérances. Entre écrivains et lecteurs, entre disciplines artistiques, entre villes (Saguenay, Joliette, Mashteuiatsh, Wendake, Angoulême), entre continents (Europe/Amérique). Il y a eu échanges de textes entre écrivains des premières nations et ceux du reste du Québec. On a vu des enfants (qui ont interprété à leur façon ce qu’était l’écriture publique) écrire à des écrivains de littérature jeunesse, soit Jean Siouï et Marjolaine Bouchard. Ces enfants leur ont remis leurs textes et exigé qu’à leur tour ils écrivent. Nous avions aussi demandé à chacun des écrivains d’apporter deux livres et de donner le premier à quelqu’un qui les approcherait au cours de la croisière. Les seconds livres (au total 24), nous les avons confiés aux grapheurs d’Angoulême qui ont reçu comme mandat de les faire circuler au cours du festival de BD qui se tient chaque année à l’automne et attire des milliers de personnes.
Devant le succès de notre activité, il y a eu une récidive en 2006. Cette fois, huit croisières au lieu de quatre, vingt-huit écrivains, une exposition des toiles de Carol Lebel et un double lancement de Carol Lebel et François Charron. Cette deuxième édition a connu elle aussi un franc succès et clôturé la série Voie d’échanges.
Voilà toute l’histoire et soyez assurés que le temps de ce papier, j’ai nagé dans de forts beaux souvenirs.
Dany Tremblay