Les lauréat·e·s des Prix littéraires Damase-Potvin 2022 ont été dévoilé·e·s le jeudi 21 avril 2022 à l’Auberge des Battures de La Baie. Cabane était le thème du concours de nouvelles de la 27e édition.
Au cours de cette soirée, animée par Johanie Bilodeau, on pouvait entendre les comédiens Florence Boudreault et Bruno Paradis lire les textes gagnants. Grâce à la captation de l’événement par NousTv–Le Fjord, une capsule vidéo a été produite pour chaque texte. Ci-après les capsules vidéo et les commentaires respectifs du jury pour la catégorie Adulte.
Bonne écoute !
1er Prix catégorie Adulte — Su Boivin d’Isabelle Blier
Voici les commentaires du jury
«Écrite dans un style parlé au fort impact émotionnel, dans un joual remarquablement transcrit, la nouvelle Su Boivin place le lecteur dans la tête d’un enfant que remplit de joie la perspective d’aller manger des frites chez Boivin. Longuement préparée, la chute est tout de même surprenante et conclut le texte sur une note tragique dans laquelle le narrateur se voit fort subtilement confier un nouveau rôle.
Sous le langage enfantin, c’est une forme de responsabilité inattendue qui se fait jour peu à peu : comme si le désespoir de la mère, évoqué allusivement devait aboutir à cette nouvelle position de l’enfant, devenu, au détour d’un plaisir naïf, chef de famille. Car en décrivant sa propre joie, c’est aussi, en contraste, à la peine de sa mère que l’enfant s’attache.
Habile amalgame de tristesse navrée, d’insécurité, de joie, d’espérance et d’appréhension, ce texte d’une dureté implacable malgré le ton léger et le sourire qu’il arrache au lecteur, évoque avec brio la prescience enfantine et la lucidité sensible de ceux qui savent sans nécessairement comprendre.
Une nouvelle, simple et subtile, qui par ses choix narratifs judicieux et efficaces réussit à bouleverser, mais sans accabler son lecteur, d’autant plus séduit que tout du long, c’est aussi à son intelligence qu’on fait appel.»
2e prix catégorie Adulte — Les lumières oubliées d’Annie Ferland
Voici les commentaires du jury
«La narration épouse au style indirect la pensée d’un enfant aux prises avec une angoisse qui forme une boule lumineuse dans son ventre : sa cabane, même si son toit est plein de trous, lui sert de refuge où le calme peut enfin se faire, comme dans sa chambre.
Fort bien écrite, la nouvelle d’Annie Ferland met en rapport les émotions de l’enfant avec ce qu’il voit de la douleur de son père. Dans un jeu subtil entre l’intérieur où niche la boule et l’extérieur, maison et ville, qu’elle illumine parfois comme si l’angoisse devenait universelle, le récit conjugue la conscience de l’enfant et l’environnement familial qu’il perçoit par bribes. Quand, un jour de pluie, l’enfant rentre trempé de sa cabane trouée, son père, dont les joues elles aussi ruissèlent de larmes, essuie tout et ramène la paix par un macaroni au fromage.
C’est la porosité d’une conscience enfantine, perméable à tout ce qui l’entoure, que met en scène avec subtilité, dans un style très maîtrisé, ce texte impressionniste aux harmoniques douces-amères.»
3e prix catégorie Adulte — Une dernière lueur d’Alexandre Mullen
Voici les commentaires du jury
«Sous la forme d’une lettre à sa fille écrite par un père mourant, ce récit postapocalyptique est un hymne à la transmission et à l’écriture, sinon à la littérature. Abouti, rythmé, formidablement bien écrit, dans une langue classique malgré la familiarité du ton qui évoque la voix attentionnée d’un père soucieux du développement physique et intellectuel de sa fille, cette nouvelle décrit fort habilement la perte du souffle, de la voix et même du son, comme pour rendre encore plus prégnante la nécessité de l’écriture.
Dans cette tentative désespérée de léguer au moins la langue à la génération survivante, une intelligence en voie d’extinction jette ses dernières lueurs comme une bouteille à la mer. Et la chute devient d’autant plus forte que c’est dans un feu allumé par un visiteur, illettré ou étranger à cette écriture, que vient s’abîmer la lumière de l’espoir de l’agonisant.
Toute la force de cette nouvelle réside dans cette lettre testamentaire, dans la force des mots minutieusement choisis qui montrent bien que la transmission des savoirs et de l’humanité réside dans la parole et l’écriture, mais aussi dans les gestes posés et dans l’observation de l’autre.
Un texte puissant et subtil par sa façon d’évoquer l’absence et la perte, peut-être définitive, dans une ode bouleversante à la précarité.»
Pour lire les textes gagnants, suivez ce lien: https://litteraturesagamie.com/prix-damase-potvin/gagnants/