Ça ne nous rajeunit pas !
Je ne suis pas très douée pour les faits, je crois, quand je ne les invente pas dans une fiction. D’abord parce que j’ai la mémoire qui flanche. Et ensuite, parce que je n’ai plus les archives de l’Association ! L’APES, pour moi, ça a été une rencontre dans un café, avec Alain Gagnon, Yvon Paré, Danielle Dubé, sans doute André Girard et peut-être Carol Lebel. Et cette autre rencontre où faisant feu de tout acronyme, j’ai voulu donner à notre future association le nom d’une diligente abeille – Apes en latin. Hélas, les copains ont tout de suite protesté : “Comment ça, singes ! ?” Mais faute de mieux, abeilles nous devînmes, et même sur la Côte-Nord. Nous n’avons pas quitté le bestiaire, puisque peu après est né un bulletin de liaison, Le Lézard, que je mettais en page et, avec l’aide de quelques membres de bonne volonté, remplissait allègrement de nouvelles du milieu, d’essais, de commentaires et de critiques littéraires. Avec des petits dessins. On était passé à l’ère Macintosh, heureusement, c’était possible. Mais il le fallait : nous n’avions pas de publiciste, et quelqu’un devait bien produire aussi les affiches des événements que nous commencions à organiser. Je crois que le premier, dont j’avais lancé l’idée folle, était Mots et Musique. Ou cela s’appelait-il “Mots et Merveilles”, la première fois ? Voyez, je ne sais plus. Mais il eut lieu, épiquement, à Sainte-Rose-du-Nord, le fief de Christiane Laforge, dans un lieu qui reste flou pour moi, sans doute un café-restaurant – long, étroit et un peu sombre. Moins flou, parce que c’était au grand air, le méchoui qui l’accompagnait. Car nous avions déjà compris la maxime essentielle des événements culturels, quels qu’ils soient : “Si tu veux parler à ma tête, parle d’abord à mon estomac”. Aussi ai-je proposé à mes collègues une autre série d’événements, qui auraient lieu aussi dans des restaurants, cafés et autres lieux dinatoires : “Correspondances” – moins épistolaires que … vibratoires, en quelque sorte : on demandait à une auteure de l’APES (le masculin est compris dans le féminin) qui elle ou il aimerait rencontrer, on invitait et on espérait. Cela donna lieu à de belles rencontres – dans le désordre et les trous de mémoire : Aude, Monique Proulx, Esther Rochon, Robert Lalonde, David Homel, Raymond Plante, François Charron, Michel Dorais, Jean-Pierre Girard, Stanley Péan…
Comme Correspondances, M&M – que ce fût Musique ou Merveilles, il y avait toujours les Mots – a continué pendant plusieurs années, nous permettant de travailler de concert avec des musiciens de la région : l’APES se voulait et se veut toujours pluridisciplinaire. Nous avons ainsi travaillé avec le Salon du Livre, des musées, des photographes, des peintres, et j’oublie sûrement quelques alouettes. Les regards qui se croisent sur le réel ne peuvent que l’enrichir. Ou plus convivialement, “plus on est de fous plus on rit”. C’est un grand bonheur pour moi de constater que, vingt-cinq ans après, il y a encore plus de fous et de folles au logis de l’APES.
Élisabeth Vonarburg